Vaincre la procrastination : 7 idées pratiques pour arrêter de tout remettre sans cesse au lendemain

La procrastination est un comportement d'évitement assez courant. Si vous avez toutefois l'impression de systématiquement tout remettre sans cesse au lendemain, il est possible d'en limiter les débordements.
Image mise en avant pour l'article "Comment vaincre la procrastination : une affaire de temps" de David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.

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Pas besoin d’être plus catholique que le Pape : il nous arrive tous de dévier momentanément des objectifs que nous nous sommes fixés. Et ça continuera encore à nous arriver ! La preuve avec cet article, censé avoir été publié il y a déjà une semaine, et qui, pour plein de bonnes excuses raisons, ne voit finalement la lumière qu’aujourd’hui. Mais est-il possible de vaincre la procrastination et d’arrêter de tout remettre sans cesse au lendemain ? Est-ce réellement souhaitable ? C’est ce que je vais tenter de décrypter avec vous.

Très souvent, la procrastination est associée à un comportement d’évitement : on procrastine lorsqu’on réalise une tâche ou qu’on poursuit un objectif. Et, pour des raisons irrationnelles, on finit par dévier de la tâche ou de l’objectif qu’on s’était assigné (ou qu’on nous a assigné). La procrastination n’est donc pas à confondre avec le fait d’éviter (ou reporter) une prise de décision : on parle bien ici d’une situation où l’on retarde (ou diffère) un comportement, de manière purement irrationnelle.

Mais avant de poursuivre, j’aimerais vous présenter Tim Urban. Pour celles et ceux d’entre vous qui ne connaitraient pas encore ce personnage atypique, Tim est devenu célèbre pour deux choses :

  • Les énooooormes articles publiés sur son blog « Wait but Why » agrémentés de dessins enfantins, illustrant ses propos de manière simple et concrète.
  • Sa conférence TED « Dans la tête d’un expert en procrastination » qui compte 27.997.079 vues à l’heure où j’écris ces lignes… et que j’ai terriblement envie de partager avec vous. Autant vous prévenir : toute ressemblance avec des personnes existantes ne serait que purement fortuite !
Inside the mind of a master procrastinator. Conférence TED réalisée par Tim Urban. Téléchargé le 02/03/2019 depuis le site web de TED.

Quelles sont les raisons qui nous poussent à procrastiner ?

À priori, vaincre la procrastination ne semble pas être une mince affaire. Selon cet article publié en 2017 par le magazine en ligne « The Cut », une personne sur cinq (soit 20% de la population) aurait tendance à développer une procrastination chronique. D’après la méta-analyse publiée en 2007 par Piers Steel, chercheur à l’Université de Calgary, plusieurs facteurs peuvent influencer ce type de comportement irrationnel((Steel, P. (2007). The nature of procrastination: A meta-analytic and theoretical review of quintessential self-regulatory failure. Psychological Bulletin, 133(1), 65-94.)) :

  • Un événement trop éloigné dans le temps : plus un événement est temporellement distant, moins il favorise notre mise en action. Ce principe, exploré dans les recherches en économie comportementale, explique entre autre pourquoi certains individus ont tendance à ne pas suffisamment épargner pour leur retraite.
  • L’évitement de la tâche : par défaut, nous cherchons à éviter des stimuli désagréables. Par conséquent, plus une situation ou une tâche sera aversive, plus il y a de chances que nous chercherons à éviter cette situation ou cette tâche.
  • L’existence de croyances irrationnelles provoquant de l’anxiété : certaines des croyances que nous développons au cours de notre vie sont susceptibles de nous rendre anxieux. Elles peuvent, de surcroit, nous amener à avoir des difficultés à passer à l’action. Se sentir incapable de réaliser quelque chose, par exemple, est une des causes majeures de comportements d’évitement (et donc de procrastination).
  • Une faible estime de soi et un faible sentiment d’efficacité personnelle : corrolairement, la peur de l’échec peut amener les individus à douter de leur habileté à réaliser certaines choses (faible sentiment d’efficacité personnelle). Ces individus finissent alors également par associer l’échec avec leur propre personne (faible estime de soi).
  • Le fait de s’auto-saboter : les personnes ayant des croyances irrationnelles, une faible estime de soi et un faible sentiment d’efficacité personnelle ont tendance à développer des mécanismes d’auto-sabotage. C’est-à-dire qu’ils placent – le plus souvent inconsciemment – des obstacles sur leur route, s’empêchant ainsi de réaliser leurs objectifs.
  • Des difficultés de concentration et d’auto-contrôle : pour de multiples raisons (explosion technologique, accès à l’information, évolution des environnements de travail…), il peut être difficile de garder un degré d’attention suffisant sur les tâches qui nous occupent. Si on se laisse trop facilement happer par les tentations du moment, le risque de dévier de la tâche augmente, de même que le risque de procrastiner.

La procrastination est donc un cercle vicieux : au départ, le comportement d’évitement suscite un sentiment de soulagement. Mais il finit souvent par empirer, provoquant une spirale infernale qui n’aura de cesse de s’amplifier (culpabilité → anxiété → état dépressif → dépression). Sans compter les effets négatifs en terme de performances, qui se font sentir pour la personnelle elle-même, ainsi que les personnes avec qui elle est amenée à collaborer.

Les facteurs susceptibles d'augmenter les risques de procrastination. Image illustrant les 6 grands facteurs qui peuvent influencer ce type de comportement irrationnel. Traduit et adapté d'après Steele (2007). Image sous licence CC-BY, réalisée par David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.
Les facteurs susceptibles d’augmenter les risques de procrastination. Traduit et adapté d’après Steele (2007). Image sous licence Creative Commons (CC-BY).

Comment vaincre la procrastination et arrêter de tout remettre sans cesse au lendemain

Tout le monde procrastine, mais nous ne sommes pas tous des procrastinateurs.

– Joseph Ferrari

Soyons clairs, personne n’est parfait : il est naturel de procrastiner de temps en temps. Que celui qui n’a jamais sorti son smartphone au bureau pour faire un check sur les réseaux sociaux me jette la première pierre ! Comme l’exprime Joseph Ferrari, professeur de psychologie à l’Université DePaul de Chicago : « Tout le monde procrastine, mais nous ne sommes pas tous des procrastinateurs. »

Ceci dit, il parait essentiel d’en limiter les débordements. Et surtout de prévenir les risques de tomber dans la procrastination chronique et pathologique. Alors, comment vaincre la procrastination ? Je vous propose de passer en revue 7 idées pratiques, toujours sur base des travaux de Piers Steel((Gröpel, P. & Steel, P. (2008). A mega-trial investigation of goal setting, interest enhancement, and energy on procrastination. Personality and Individual Differences, 45(5), 406-411.)).

1. Continuez à développer vos compétences

Un des enjeux majeurs pour réduire la procrastination consiste à renforcer l’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle. Ainsi, plus vous vous sentirez capables de réaliser une tâche donnée, moins vous procrastinerez. Le fait de vous former et de développer vos compétences (relatives à la réalisation de la tâche en question) pourra vous aider à vous sentir plus en confiance pour pouvoir mener cette tâche à son terme. Cela aura pour bénéfice de vous démontrer à vous-même que vous êtes capables de réussir.

2. Trouvez un juste milieu entre réalisme et défi

Le fait d’augmenter la difficulté de la tâche permettrait de réduire le sentiment d’ennui lié à celle-ci. Cela pourrait vous permettre d’augmenter votre satisfaction personnelle en vous disant que vous avez réussi à relever un challenge. En même temps, si vous placez la barre trop haut, le risque existe que vous puissiez échouer, et du coup obtenir l’inverse de ce que vous cherchiez à accomplir. S’il n’existe pas de formule magique pour trouver le juste milieu, rappelez-vous qu’il s’agit d’un processus itératif : testez, évaluez, et adaptez si nécessaire.

3. Mixez objectif à long terme avec plaisir à court terme

L’objectif que vous poursuivez vous semble trop lointain ? Cela suscite un sentiment d’anxiété ou de découragement ? Essayez de mixer ou fusionner cette tâche avec quelque chose de plaisant. Par exemple, si vous êtes du genre sociable, essayez de vous octroyer des moments réguliers de rencontres avec des collègues pour échanger avec eux. Au contraire, si vous êtes plutôt solitaire, essayez de vous planifier des moments pour vous isoler et être au calme. Le fait de satisfaire ainsi plusieurs besoins au sein d’une seule action vous permettra de bénéficier d’un effet de levier du besoin A sur le besoin B, et ainsi favoriser votre motivation.

4. Autorisez-vous des récompenses durant le processus

« Quand j’aurai atteint mon objectif, alors je m’autoriserai une récompense. »

C’est ce que nous pouvons avoir tendance à nous dire, la plupart du temps. Or une des causes de la procrastination vient du fait que nous avons du mal à attribuer de la valeur à la tâche ou à l’objectif que nous poursuivons. Surtout lorsque cette tâche ou cet objectif s’inscrit à moyen ou long terme. Pour remédier à cela, on peut s’inspirer de techniques de base en conditionnement pour augmenter la valeur perçue de la tâche ou de l’objectif en question. Comment ? En associant des plaisirs et récompenses PENDANT le processus de réalisation de la tâche (plutôt qu’après).

5. Adaptez votre environnement

Une des causes de la procrastination concerne le manque de capacité à se concentrer et à se contrôler. Pour y remédier, la manière dont nous organisons notre environnement peut s’avérer un facteur crucial. En effet, les stimuli que nous percevons influencent notre comportement. Par exemple :

  • Si votre objectif est de perdre du poids, mais que vos placards débordent de snacks et autres crasses en tous genres, vous aurez plus de chances de succomber à la tentation.
  • Si votre objectif est de finaliser un rapport important au boulot, et que votre smartphone ne cesse de vibrer sous le coup des notifications, vous aurez plus de chances de vous retrouver sur Facebook (ou autre distraction).

Comme vous le voyez, notre environnement joue un rôle majeur. Pour réduire les probabilités de procrastiner, essayez d’adapter au maximum celui-ci : bannissez autant que possible les éléments qui pourraient vous distraire de la tâche à réaliser ou de l’objectif à accomplir. Ainsi, vous augmenterez vos chances d’être mieux concentré et de réduire les tentations.

6. Automatisez tout ce que vous pouvez

Dans le même registre que le point précédent, une tâche automatisée (c’est-à-dire qui ne nécessite pas votre intervention) est une tâche à laquelle vous n’aurez plus besoin de penser. Et donc, pour laquelle vous n’aurez aucun risque de procrastiner. Posez-vous donc la question de savoir quels outils utiliser pour automatiser vos tâches récurrentes (et sans grande valeur ajoutée). Essayez également de :

À force de répéter les mêmes comportements au quotidien, ceux-ci finiront pas devenir automatiques. Sur le long terme, vous n’aurez ainsi plus à y réfléchir. Pour compléter ce point, ainsi que le point précédent, je vous recommande fortement la lecture du livre de Charles Duhigg : « The Power of Habit » (« Le Pouvoir des Habitudes », en français). Voici une infographie résumant son propos, et notamment le concept de « habit loop » (« boucle de l’habitude », en français) :

How to change a habit. Image en anglais, issue du site web de Charles Duhigg, représentant les 3 étapes pour changer une habitude ou mettre en place une nouvelle habitude (indice, récompense, routine).
How to change a habit. Téléchargé le 02/03/2019 depuis le site web de Charles Duhigg.

7. Segmentez vos objectifs à long terme

« Comment mange-t-on un éléphant ? En mangeant une bouchée à la fois. »

Plus l’écart entre l’intention et l’action est élevé, plus le risque de procrastiner augmente. Autrement dit : plus une tâche ou un objectif est fixé à long terme, plus il est difficile de se raccrocher temporellement à sa réalisation. Réduire cet écart semble donc une solution de choix pour vaincre la procrastination. Pour y arriver, il est important que l’objectif ou la tâche soit le plus précis possible. Ensuite, essayez de découper votre objectif principal en sous-objectifs. Attribuez à chacun de ces sous-objectifs une deadline rapprochée. Vous aurez ainsi la sensation d’avoir un objectif plus facilement atteignable.

Vaincre la procrastination : une affaire… de temps !

Le fait de procrastiner constitue un comportement irrationnel auquel nous faisons face régulièrement : comme nous l’avons vu, nous procrastinons tous de manière relativement « normale » jusqu’à un certain degré. Peut-être vous demandez-vous donc : « Doit-on vraiment vaincre la procrastination et s’en inquiéter plus que ça ? »

Malheureusement, il n’y a pas de réponse simple à cette question : tout dépend de vos enjeux et aspirations, car les conséquences se feront sentir différemment. De mon point de vue, que l’on soit étudiant ou actif sur le marché de l’emploi, la procrastination peut constituer un symptôme, le reflet d’une inadéquation par rapport aux activités que nous réalisons. En commençant par identifier les tâches et objectifs qui nous occupent, nous pouvons nous poser plusieurs questions :

  • Suis-je réellement en train de réaliser un objectif qui compte pour moi ?
  • Quelles sont les situations dans lesquelles je sens que je procrastine ?
  • Quel sont les niveaux d’utilité, d’attente et de valeur que j’accorde à mes activités et objectifs ?…

Pour les uns, procrastiner sera ainsi uniquement la résultante d’une activité professionnelle peu satisfaisante. Se ré-orienter et changer de perspectives professionnelles constituera alors une solution possible. Pour les autres, la procrastination se fera sentir lorsque les objectifs seront fixés à trop long terme. Arriver à segmenter ces objectifs en sous-objectifs temporellement plus rapprochés permettra alors de vaincre la procrastination par le biais d’une ligne du temps plus claire et mieux définie.

Enfin, je tiens à souligner un élément qui me tient à coeur : ne confondons pas « procrastination » avec « besoin de réflexion ». Inutile (et dangereux d’ailleurs) de se retrouver dans un contexte de rush permanent où tout le monde foncerait tête baissée, sans prendre le temps de se poser, de prendre du recul, de peser les avantages et inconvénients de telle ou telle action à mener. Même si la frontière entre procrastination et pensée divergente peut parfois sembler mince, il me semble nécessaire de trouver un juste milieu, et de pouvoir aussi… prendre le temps !

En résumé

  1. La procrastination chronique touche environ 20% d’entre nous et est associée à un comportement d’évitement : on procrastine lorsqu’on dévie d’une tâche (ou d’un objectif). Contrairement au report d’une prise de décision, on parle bien ici d’une situation où l’on retarde (ou diffère) un comportement, de manière purement irrationnelle.
  2. De nombreux facteurs entrent en jeu dans la procrastination : proximité d’un objectif dans le temps, difficultés de concentration et d’auto-contrôle, mais aussi une faible estime de soi et un faible sentiment d’efficacité personnelle.
  3. Pour y remédier, on peut retenir principalement : le fait de continuer à développer nos compétences en continu, d’adapter au mieux notre environnement, et de segmenter les objectifs trop distants d’un point de vue temporel.
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