La nouvelle année approche à grands pas, et nous sommes nombreux à profiter de l’occasion pour réfléchir à nos “bonnes résolutions” : arrêter de fumer, manger sainement, faire du sport… Pourtant, selon le psychologue Richard Wiseman, seuls 12% d’entre nous auront réussi à tenir leur engagement d’ici à la fin de l’année((Wiseman, R. New Year’s resolution project. Quirkology. Consulté le 13/12/2017.)). La question qu’on peut donc légitimement se poser est de savoir : comment atteindre ses objectifs et mettre en place de nouvelles habitudes, de manière durable ?
Une idée à laquelle on pourrait penser serait d’identifier ce qui nous motive à vouloir changer. Par exemple, nous pourrions dire que le fait de manger sainement nous permettrait de réduire le risque de souffrir de maladies cardiovasculaires, de faire des économies en évitant les dépenses liées à la “malbouffe”, de retrouver une silhouette svelte digne des dieux grecs de l’Antiquité…
Intéressant, n’est-ce pas ? Sauf que cette approche a de fortes chances d’être insuffisante, voire carrément inefficace !
Comment atteindre ses objectifs et mettre en place de nouvelles habitudes ?
C’est une des questions que se sont posées les chercheurs Sarah Milne, Sheina Orbell et Paschal Sheeran. En 2002, ils ont étudié l’efficacité de la mise en place de sessions d’exercice physique chez de jeunes adultes, en vue de prévenir les risques cardiovasculaires((Milne, S., Orbell, S. & Sheeran, P. (2002). Combining motivational and volitional interventions to promote exercise participation: Protection motivation theory and implementation intentions. British Journal of Health Psychology, 7(2), 163-184.)). Après avoir rassemblé 248 participants, ils les ont séparés en trois groupes de manière aléatoire :
- Le premier groupe représente le groupe “contrôle”. Les chercheurs leur ont demandé de suivre et noter la fréquence et la nature des sessions d’exercice physique réalisées au cours des deux semaines suivant le début de l’expérience.
- Le second groupe représente le groupe “motivation”. En plus de noter la fréquence et la nature des sessions d’exercice physique, les chercheurs leur ont demandé de lire une brochure argumentant les bénéfices de s’exercer en vue de prévenir les risques cardiovasculaires.
- Le troisième groupe représente le groupe “intention”. En plus des consignes données aux autres groupes, les chercheurs leur ont demandé de formuler un plan d’action spécifiant “où” et “quand” ils allaient réaliser leurs sessions d’exercice physique. Plus spécifiquement, le plan d’action était formulé sous forme d’une implémentation d’intentions qui se présentait comme suit :
“Durant les prochaines semaines, je m’engagerai dans une session d’exercice physique d’au moins 20 minutes qui aura lieu [TEL JOUR] à [TELLE HEURE] et à [TEL ENDROIT].”
Vaut-il mieux privilégier la motivation ou l’intention pour atteindre ses objectifs ?
Deux semaines plus tard, les résultats sont assez bluffants :
- Dans le groupe “contrôle” : 38% des participants déclarent s’être engagés dans une session d’exercice physique au moins une fois par semaine au cours des deux semaines précédentes.
- Dans le groupe “motivation” : seuls 35% des participants tiennent le même discours. Franchement pas réjouissant !
- Dans le groupe “intention” : les chercheurs constatent que, de manière surprenante, 91% des participants déclarent avoir rempli leur engagement.
En complétant une simple implémentation d’intentions, c’est-à-dire en spécifiant “où” et “quand” ils allaient réaliser leurs sessions d’exercice physique, les participants du troisième groupe ont donc plus que doublé leurs chances d’atteindre le résultat qu’ils s’étaient fixés.
Ce qui est d’autant plus étonnant, c’est que les chercheurs ont observé un effet nul au sein du second groupe. Autrement dit, la motivation ne suffit pas. Le simple fait d’être sensibilisé et motivé n’est pas suffisant pour atteindre ses objectifs et s’engager de manière active dans un changement observable : ce qui compte c’est la manière par laquelle ce changement va être implémenté concrètement.
La motivation ne suffit pas. Ce qui compte c’est la manière par laquelle ce changement va être implémenté concrètement.
Les éléments cités dans la déclaration d’intention (type de comportement souhaité, ainsi que la date, l’heure et le lieu où vous mettrez en place ce nouveau comportement) vont agir comme des signaux, des indices, qui se rappelleront à votre bon souvenir : ils vous aideront donc, au moment opportun, à initier le nouveau comportement de manière automatique.
L’implémentation d’intentions : plus puissante que la motivation pour changer ses habitudes et ses comportements
L’implémentation d’intentions constitue une technique redoutablement efficace, et dont les résultats ont été observés dans d’autres contextes. Les études réalisées dans le cadre de recherches complémentaires((Webb, T.L. & Sheeran, P. (2006). Does changing behavioral intentions engender behavior change? A meta-analysis of the experimental evidence. Psychological Bulletin, 132(2), 249-268.)) indiquent ainsi que l’implémentation d’intentions est un moyen efficace pour favoriser :
- l’utilisation de préservatifs pour se protéger lors de rapports sexuels,
- la communication entre parents et enfants,
- l’arrêt du tabagisme,
- l’engagement dans une formation,
- l’utilisation de crème solaire…
La prochaine fois que vous envisagez de mettre en place une nouvelle habitude ou un nouveau comportement, pensez donc à votre intention plutôt que de vous concentrer sur votre motivation.
En résumé
- Les “bonnes résolutions” formulées de manière générale ne constituent pas un moyen efficace de fixer et atteindre ses objectifs. Près de 90% des personnes qui formulent de telles résolutions échouent à mettre en place durablement de nouvelles habitudes.
- Même si l’idée peut sembler séduisante, identifier ses motivations est une condition insuffisante pour mettre en place de nouveaux comportements et de nouvelles habitudes.
- Pour aboutir à un changement efficace et atteindre ses objectifs, il est préférable de réfléchir en termes de comportements observables. Identifiez en amont où, quand et comment ce(s) comportement(s) vont prendre place en formulant une implémentation d’intentions du type : “Durant les prochaines semaines, je m’engage à [COMPORTEMENT] que je mettrai en place [TEL JOUR] à [TELLE HEURE] et à [TEL ENDROIT].”