Ce que vous ignorez peut vous nuire : faire face à l’ambiguïté et gérer l’incertitude dans un monde en changement

Le monde dans lequel nous vivons est imprévisible, et n’importe quoi peut arriver à n’importe qui, n’importe quand. On peut néanmoins apprendre à gérer l'incertitude pour mieux appréhender notre quotidien.
Image mise en avant pour l'article "Comment gérer l'incertitude dans un monde imprévisible" de David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.

Table des matières

Bien avant que nous nous connaissions, mon épouse avait toujours rêvé d’avoir un chien. Elle a exaucé son souhait en 2010, en adoptant un West Highland Terrier (Westie, pour les intimes) qu’elle a prénommé Dexter. Tout allait pour le mieux. Jusqu’à ce qu’il fasse sa première crise d’épilepsie, puis une deuxième… Le verdict de la vétérinaire était clair : sans médication appropriée, les crises allaient se répéter, se rapprocher, et l’une d’elles finirait par l’emporter.

C’est donc en prenant chaque jour un médicament antiépileptique que Dexter a poursuivi sa vie. Si elles n’ont pas complètement disparu, les crises se sont effectivement raréfiées. Hormis la médication quotidienne, tout allait de nouveau (presque) pour le mieux. Jusqu’à ce que, six ans plus tard, Dexter commence à montrer des signes de faiblesse au niveau du pancréas. La cause ? Très probablement le médicament, connu pour ses effets indésirables à ce niveau. Seule solution : un séjour en clinique vétérinaire.

Bien entendu, personne ne sait jamais ce qui peut arriver. Dans ce monde, il n’y a aucune certitude fiable à cent pour cent. […] Le plus épuisant pour les nerfs dans ce genre de situation, ce sont des événements imprévus qui surgissent coup sur coup.

Haruki Murakami((extrait de l’ouvrage « Le Meurtre du Commandeur »))

Après une semaine, deux issues se présentaient à nous : prolonger le traitement, ou abandonner la médication antiépileptique afin de soulager le pancréas. Nous faisions donc face à une situation sans issue :

  • D’une part, la première solution allait engendrer un coût important et sans garantie de succès. Hors, à ce moment là, nous étions tous deux dans une situation financière délicate. Nous avions donc du mal à savoir comment nous arriverions à nous en sortir.
  • D’autre part, nous savions que, sans médication appropriée, les crises d’épilepsie allaient vraisemblablement réapparaitre. Au lieu du pancréas, c’est donc le cerveau qui finirait par lâcher.

En vous partageant cette tranche de vie, j’essaie d’illustrer ceci : plus le contexte est incertain, plus la prise de décision sera difficile. Avec beaucoup de peine et de regret, nous avons ainsi opté pour l’euthanasie afin d’abréger ses souffrances. Il s’agit d’une des décisions les plus difficiles que nous ayons eu à prendre à ce jour. Était-ce la bonne ? Nous ne le saurons jamais. Vu le contexte et notre situation à l’époque, c’était sans doute la seule que nous pouvions prendre.

Des événements de vie tels que celui-ci, je pourrais vous en partager des dizaines. Vous-même, vous en avez vraisemblablement déjà vécu : licenciement brutal, décès inopiné d’une personne proche, annonce d’un problème de santé… nous vivons tous et toutes des situations que nous n’attendions pas et pour lesquelles nous n’avions peu – voire aucune – préparation.

Au-delà des expériences de vie “communes”, nous faisons face à des événements imprévus d’un point de vue sociétal. Notre monde est un système complexe en changement constant : il est non prédictible, non déterministe et non linéaire. Tout bouge, tout évolue, constamment, rapidement. On ne peut donc prédire de quoi demain sera fait. Que ce soit en raison de crises sanitaires, de disruptions technologiques, des changements climatiques et d’autres phénomènes, nous vivons dans un monde où l’incertitude règne en maitre.((Silberzahn, P. (2021). Bienvenue en incertitude : Survivre et propsérer dans un monde de suprises. Diateino.))

Qu’est-ce que l’incertitude et quels sont ses impacts sur notre santé psychologique ?

En fonction du contexte auquel on s’intéresse, l’incertitude peut parfois prendre des définitions différentes. On la considère parfois même comme un synonyme de l’ambiguïté. Dans le contexte qui nous occupe, l’American Psychological Association définit l’incertitude comme “l’état ou la condition par lequel quelque chose (par ex. la probabilité d’un résultat) n’est pas connu avec précision.”

L’incertitude est la seule certitude qui existe.

John Allen Paulos

Si l’on s’en tient à cette définition, cela signifie qu’il existe peu de choses qu’on puisse tenir pour sûres et certaines. La seule chose qui semble certaine, c’est que l’incertitude fait partie de nos vies et du monde dans lequel nous vivons… et que nous devons donc faire avec ! Et nous allons voir que l’incertitude peut avoir un impact significatif sur nos capacités de raisonnement et sur notre santé mentale.

1. L’incertitude impacte nos capacités de raisonnement

Au centre de la gestion de l’incertitude, nous retrouvons deux mécanismes principaux :

  • Les fonctions exécutives, qui désignent un ensemble de processus cognitifs de haut niveau impliqués dans de nombreuses activités (notamment la prise de décisions, la planification, la résolution de problèmes…) ;
  • Le système inhibiteur de l’action, qui permet de préserver l’organisme en conservant l’énergie et les ressources nécessaires pour réagir face à un danger potentiel.

Dans un environnement incertain, on peut ainsi observer une tendance, chez les animaux, à consommer plus de nourriture et à stocker plus de gras. Cela leur permet de bénéficier d’une réserve d’énergie suffisante pour faire face à un danger potentiel.((Anselme, P. & Güntürkün, O. (2019). How foraging works: Uncertainty magnifies food-seeking motivation. Behavioral and Brain Sciences, 42, e35.)) Chez l’être humain, on a déjà pu observer que le simple fait de penser à une issue incertaine semble activer le système inhibiteur de l’action, et ainsi altérer nos performances.((Alquist, J.L., Baumeister, R.F., McGregor, I., Core, T.J., Benjamin, I. & Tice, D.M. (2018). Personal conflict impairs performance on an unrelated self-control task: Lingering costs of uncertainty and conflict. Journal of Experimental Social Psychology, 74, 157-160.)) En 2020, dans une série de trois études, une équipe de recherche s’est penchée sur l’impact de l’incertitude sur nos fonctions exécutives.((Alquist, J.L., Baumeister, R.F., Tice, D.M. & Core, T.J. (2020). What you don’t know can hurt you: Uncertainty impairs executive function. Frontiers in Psychology, 11:576001.))

Dans la première et la deuxième étude, on a assigné aux sujets des tâches impliquant leurs fonctions exécutives (jouer à un jeu de plateau, résoudre des anagrammes). Mais les consignes précédant cette tâche ont varié suivant les trois groupes dans lesquels ils étaient répartis :

  1. Dans le groupe contrôle, on leur a annoncé qu’ils n’auraient rien à faire une fois la tâche terminée ;
  2. Dans le groupe de la condition « certitude », on leur a annoncé qu’ils devraient ensuite réaliser une tâche de communication (impliquant de prendre la parole en public) ;
  3. Dans le groupe de la condition « incertitude », on leur a annoncé annoncé qu’on ne savait pas si, oui ou non, ils devraient réaliser cette tâche de communication.

Si la procédure de la troisième étude a quelque peu varié, les résultats restent similaires : lorsque les individus évoluent dans un contexte incertain, ils ont tendance à commettre plus d’erreurs et à persévérer moins longtemps dans la tâche impliquant les fonctions exécutives. Pourquoi cela ? Lorsqu’on évolue dans un contexte incertain, notre système inhibiteur de l’action s’active afin de préserver nos ressources et notre énergie. Puis, à son tour, ce système va impacter nos fonctions exécutives, ce qui aura pour conséquence d’altérer notre capacité à résoudre les problèmes auxquels nous faisons face.

On peut donc voir que, quand on est certain de l’issue d’un événement, on parvient mieux à y faire face. En outre, il semble même préférable d’être certain d’une issue négative plutôt que de ne pas savoir si cette issue sera positive ou non.

2. L’incertitude impacte notre santé mentale

Nous faisons tous et toutes l’expérience du sentiment que provoque le fait de devoir attendre l’issue d’une situation (une décision, un verdict, un diagnostic, une évaluation, un résultat d’examen, etc.). Comment l’incertitude nous impacte-t-elle lorsque nous nous retrouvons face à ce type de situations, où nous rencontrons parfois des enjeux élevés ? Il semble qu’elle influence de manière sensible nos niveaux d’anxiété et de rumination.((Sweeny, K. & Andrews, S.E. (2014). Mapping individual differences in the experience of a waiting period. Journal of Personality and Social Psychology, 106(6), 1015-1030.))1

Par exemple, dans le cas d’une recherche réalisée auprès d’étudiants et d’étudiantes en droit, on s’est intéressé à l’évolution de leur niveau d’anxiété et d’optimisme dans l’attente de leurs résultats à l’examen d’admission au barreau. Qu’observe-t-on durant cette période ?

  • Une augmentation du niveau d’anxiété. Plus la date de l’annonce des résultats approche, plus leur niveau d’anxiété augmente, alors qu’il était redescendu peu de temps après l’examen.
  • Une diminution du niveau d’optimisme. Plus la date approche, plus leur niveau d’optimisme quant à leut réussite chute. Autrement dit : les individus finissent par devenir de plus en plus pessimistes quant au fait que l’issue leur soit favorable.

On retrouve à peu près le même schéma quel que soit le contexte d’attente : résultats d’un diagnostic médical, ultimatum concernant des licenciements suite à la restructuration d’une entreprise, etc. Au début de la période d’attente, nous sommes relativement confiants quant à l’issue. Puis, plus la date butoir approche, plus notre niveau d’optimisme chute et plus notre niveau d’anxiété augmente. Nous nous construisons ainsi un pessimisme défensif afin de nous préparer au fait que l’issue sera peut-être défavorable.

Le modèle de navigation dans l’incertitude

Kate Sweeny – professeure en psychologie sociale à l’Université de Californie, Riverside – a tenté de modéliser la manière par laquelle nous naviguons dans l’incertitude. Sachant que l’incertitude génère de l’anxiété et des ruminations dans l’attente de l’issue (nommée “feedback” dans le modèle), quelles sont les mécanismes par lesquels nous essayons d’y faire face ?((Sweeny, K. & Cavanaugh, A.G. (2012). Waiting is the hardest part: A model of uncertainty navigation in the context of health news. Health Psychology Review, 6(2), 147-164.))2

1. Les modérateurs du niveau d’anxiété et de rumination

Une fois que nous faisons face à une période d’attente, l’incertitude quant au feedback génère de l’anxiété et des ruminations. Ces niveaux d’anxiété et de rumination sont modérés par cinq facteurs principaux :

  • La proximité du feedback. Les individus en situation d’incertitude ont-ils connaissance de la date butoir ? Si oui, dans quelle mesure celle-ci est-elle proche (quelques jours ou semaines, plusieurs mois ou années…) ?
  • L’importance accordée à la situation. Dans quelle mesure la situation que vivent les individus est-elle importante à leurs yeux ?
  • L’issue du feedback. A-t-on la possibilité d’estimer la probabilité de l’issue ? Celle-ci a-t-elle plus de chances d’être favorable ou défavorable ?
  • Le degré de contrôle sur le contexte. Dispose-t-on d’un certain niveau de contrôle sur l’issue ? Ou celle-ci se trouve-t-elle complètement en dehors de notre zone de contrôle ?
  • Les différences individuelles. En fonction de leur personnalité, de leur tempérament et de leurs expériences de vie, certains individus sont-ils plus tolérants à l’incertitude ? Ont-ils plus ou moins de facilités à gérer le stress et l’anxiété qui en résultent ?

Si la date butoir est proche, que l’importance accordée à la situation est élevée, que l’issue a de fortes probabilités d’être défavorable, que le degré de contrôle est faible et que les individus sont peu tolérants à l’incertitude, alors on peut s’attendre à une forte augmentation des niveaux d’anxiété et de rumination.

2. Les stratégies naturelles pour faire face à l’incertitude

Face à l’incertitude, nous ne restons pas dans l’inaction. Une fois passée la période de choc, nous mettons naturellement en place plusieurs stratégies pour tenter de faire face à la situation. On observe en particulier trois types de stratégies :

  • L’atténuation des conséquences. Face à l’incertitude, on peut essayer de se préparer et de rentabiliser au mieux la période d’attente. On cherche alors à mettre toutes les chances de son côté pour pouvoir rebondir si l’issue devait être défavorable (par ex. en contexte professionnel, on pourrait décider de suivre une formation pour maintenir ses compétences à jour et rendre son CV plus attractif).
  • La ré-évaluation des attentes. Comme on l’a vu précédemment, plus le temps avance, plus nous avons tendance à développer un pessimisme défensif pour nous préparer au fait que l’issue nous sera peut-être défavorable. Nous ré-évaluons ainsi nos attentes pour tenter de contrer l’augmentation de notre niveau d’anxiété.
  • La régulation des émotions. Cette période d’incertitude étant propice aux montagnes russes émotionnelles (particulièrement des sentiments d’irritation, d’énervement, de colère…), nous essayons de réguler ces émotions. Soit en essayant de les supprimer (et donc en adoptant la politique de l’autruche), soit en essayant de les limiter de différentes façons (activité physique, relaxation ou méditation…).

3. Les réponses émotionnelles et cognitives suite au feedback

Vient enfin le moment de vérité, et ce feedback va générer plusieurs réponses émotionnelles et cognitives en fonction de l’issue de la situation :

  • En cas d’issue favorable : vu que nous nous étions préparés au fait qu’elle serait défavorable, il s’agit finalement d’une bonne nouvelle et d’un sacré soulagement.
  • En cas d’issue défavorable : même si nous nous y étions préparés, il faut néanmoins accuser le coup avant d’avoir droit à un nouveau tour de montagnes russes émotionnelles (sentiments parfois mélangés de colère, de tristesse, de déception, d’incompréhension, d’injustice…).
Le modèle de navigation dans l’incertitude. Image décrivant les antécédents et conséquences de l’incertitude dans l’attente d’un feedback. Traduit et adapté d’après Sweeny & Cavanaugh (2012, 2015). Image mise à disposition selon les termes de la licence CC BY 4.0, réalisée par David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.
Le modèle de navigation dans l’incertitude. Traduit et adapté d’après Sweeny & Cavanaugh (2012, 2015). Image mise à disposition selon les termes de la licence CC BY 4.0.

Comment gérer l’incertitude : 5 stratégies pour prendre de meilleures décisions et faire face à l’ambiguïté

Comme on l’a vu, l’incertitude suscite du stress. En soi – et en dehors de tout excès comme dans les cas de burnout – le stress n’est pas une mauvaise chose. À dose raisonnable, modérée et non prolongée dans le temps, le stress nous permet de mobiliser notre attention sur les problèmes à résoudre et les urgences à traiter. Le stress consiste ainsi en un signal de mise en action : il devient temps pour nous de bouger et de nous mettre en mouvement.

Le problème de l’incertitude vient du fait qu’elle nous met face à un paradoxe : elle suscite du stress, mais nous n’avons encore aucune idée du problème à solutionner. En fait, nous ne savons même pas s’il y aura un problème à résoudre :

  • Quand on sait qu’on a échoué à un examen, on peut se mettre en action pour mieux se préparer et présenter à nouveau l’examen ;
  • Quand on a reçu un diagnostic médical, on sait contre quelle pathologie on peut se battre ;
  • Quand on sait qu’on va se faire virer, on peut mettre en place des actions pour ré-orienter sa carrière et trouver un nouvel emploi.

Mais tant que ce n’est pas arrivé, nous sommes dans le flou le plus complet. Et catalyser le stress que nous ressentons peut représenter un défi. Que faire alors ? Doit-on se résigner ? Pas nécessairement. Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour tenter de gérer l’incertitude et en contrer les effets.

N.B. Comme toujours pas de baguette magique, ni de solution miracle. Ayez conscience qu’aucune de ces stratégies ne permettra d’annuler complètement l’incertitude et l’anxiété qu’elle provoque. À tout le moins, elles vous permettront d’en atténuer les effets.

1. Investir dans son capital psychologique

Prendre soin de soi constitue une étape indispensable pour réduire nos niveaux de stress et d’anxiété. On peut le faire de plusieurs manières : activité physique, relaxation, méditation, alimentation, massages… Mais ça passe également par le fait de prendre soin de sa santé psychologique. Et, pour ce faire, il existe un élément important sur lequel nous pouvons travailler : le capital psychologique. Il s’agit de l’état de développement psychologique positif d’un individu. On peut le travailler à partir des quatre piliers qui le constituent : l’optimisme, le sentiment d’efficacité personnelle, l’espoir et la résilience. Tout comme les finances personnelles, ce capital peut prendre du temps à constituer. Il servira de bouclier dans lequel vous pourrez aller puiser, afin de faire face aux événements. N’attendez donc pas de vous retrouver dans une situation de détresse pour le mettre en place.

2. Concentrer son attention sur l’instant présent

Comme décrit dans le modèle de navigation dans l’incertitude, les périodes d’attente constituent une source d’anxiété et de rumination. Dans l’attente du feedback, on observe que les individus arrivant à s’immerger dans un état de flow ressentent moins d’anxiété et expriment davantage d’émotions positives.((Rankin, K., Walsh, L.C. & Sweeny, K. (2019). A better distraction: Exploring the benefits of flow during uncertain waiting periods. Emotion, 19(5), 818–828.)) Le flow correspond à un état dans lequel nous arrivons à nous plonger et dans lequel notre état de concentration nous fait oublier la notion du temps. Il s’agit d’un état qu’on retrouve aussi bien en contexte privé qu’en contexte professionnel, à condition de trouver une tâche ou une activité qui nous procure du plaisir, qui rencontre un niveau de défi suffisamment élevé et qui mobilise pleinement nos aptitudes.((Csikszentmihalyi, M. (2008). Flow: The psychology of optimal experience. New York, NY: HarperCollins.))

3. Améliorer la communication entre les parties

Les deux premières stratégies concernent plutôt la manière de gérer l’incertitude en tant qu’individus. À présent, intéressons-nous aux manières par lesquelles nous pouvons aider les autres à mieux faire face à l’ambiguïté. Dans le cadre de recherches menées sur la relation entre les médecins et leur patientèle, trois résultats principaux émergent pour nous aider à mieux communiquer en situation d’incertitude :((Dooley, M.D., Burreal, S. & Sweeny, K. (2017). “We’ll call you when the results are in”: Preferences for how medical test results are delivered. Patient Education and Counseling, 100(2), 364-366.))

  • Faire preuve d’empathie et de compassion. En début de relation, lorsque se forment leur première opinion du médecin, les patients et les patientes rapportent se sentir davantage en confiance avec les médecins qui reconnaissent leurs valeurs et qui les considèrent comme de “vrais” êtres humains (et pas seulement comme une statistique parmi d’autres).
  • S’impliquer dans la relation. Plus le médecin l’aide à réfléchir à sa santé et plus il fait preuve d’optimisme dans le fait qu’elle ou il sera capable d’adopter des comportements plus sains, plus la patiente ou le patient développera sa motivation à atteindre de meilleurs résultats.
  • Fixer un délai pour communiquer les résultats. En plus de l’incertitude liée au résultat, rien de pire que de rajouter une couche d’incertitude liée au temps d’attente. Dans la mesure du possible, mieux vaut privilégier une date et un horaire convenus à l’avance pour faire part des résultats, et bannir ainsi la phrase : “On vous appellera quand aura les résultats !”

Notez que ces éléments peuvent inspirer nos pratiques de communication dans d’autres contextes : la relation entre un manager avec les membres de son équipe, un commercial avec sa clientèle, un membre du corps enseignant et sa communauté d’apprentissage, etc.

4. Adopter une démarche d’apprentissage continu

Le propre de l’incertitude, c’est qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. Ce qui implique qu’on doive se préparer à remettre en question nos connaissances et nos présupposés. Rester dans une démarche d’apprentissage continu semble donc crucial pour rester à la page et éviter de se faire distancer. Depuis la pandémie de COVID-19 et le premier confinement, on constate qu’on ne peut plus se fier, de manière absolue, à des cycles de planification traditionnels (que ce soit dans la gestion de projet ou dans le management en général). Soit en raison de l’émergence de nouvelles informations, soit en raison de l’arrivée de nouveaux produits ou de nouvelles technologies. Il vaut donc mieux adopter des boucles de rétro-action plus courtes, et s’adapter au fur et à mesure de l’évolution du contexte.((Finn, P., Mysore, M. & Usher, O. (2020). When nothing is normal: Managing in extreme uncertainty. McKinsey & Company. Consulté en ligne le 17/10/2022)) Un prérequis semble toutefois indispensable pour s’inscrire dans une telle démarche : développer un sentiment de sécurité psychologique au sein des équipes.

5. Croiser les regards et les points de vue

Enfin, en situation d’incertitude, le pire qui puisse arriver c’est de rester isolé. D’une part car cela impacte notre santé mentale : en tant qu’êtres humains, nous avons besoin de support social, de nous sentir appartenir à un groupe, de pouvoir capitaliser sur les forces et les personnalités de chacun et de chacune pour permettre une forme d’équilibre et de renforcer nos liens mutuels.((Alfasi, Y. (2022). We only know that we don’t know: Attachment patterns and psychological coping during the COVID-19 pandemic – the mediation role of intolerance of uncertainty. The Journal of Social Psychology.)) D’autre part, face à des enjeux et des problèmes complexes, on ne peut espérer prendre la meilleure décision si on reste seul dans son coin. Nous avons besoin de multiples expertises et d’une forme d’interdisciplinarité à travers les grand projets que nous poursuivons. La pire chose serait de croire que nous serions capables, seuls, d’avoir la meilleure idée ou la meilleure solution.

Gérer l’incertitude, c’est accepter qu’elle fait partie de notre réalité et du monde dans lequel nous vivons

Plus une issue est incertaine, plus elle génère du stress, et plus nous prenons de mauvaises décisions.((Starcke, K. & Brand, M. (2016). Effects of stress on decisions under uncertainty: A meta-analysis. Psychological Bulletin, 142(9), 909-933.)) En anticipant plusieurs scénarios possibles de l’avenir, nous pouvons réduire les risques d’incertitude, et ainsi notre niveau de stress. Cela n’a toutefois d’intérêt que si on aboutit à une prise de décision rationnelle.((Strauss Einhorn, C. (2020). How to make rational decisions in the face of uncertainty. Harvard Business Review. Consulté en ligne le 21/11/2022.))

Dès lors, apprenez à vous arrêter à temps, sans sombrer dans le perfectionnisme, au risque de procrastiner. Le risque zéro n’existe pas et il est illusoire de vouloir atteindre un degré de certitude total. La meilleure décision consiste donc à opérer un choix sur base des meilleures données disponibles, sans attendre d’obtenir un résultat parfait. Comme mon épouse et moi-même l’avons vécu avec Dexter, les emmerdes arrivent parfois sans crier gare. Dans ce genre de situation, la seule solution consiste donc à lâcher-prise, à accepter le fait qu’il n’y aura pas toujours de bonne ou de mauvaise solution. Il y aura juste des choix difficiles à faire, et il nous faudra apprendre à vivre avec.

Comme le suggère la pensée stoïcienne, certaines choses dépendent de nous tandis que d’autres restent en dehors de notre contrôle. Apprendre à gérer l’incertitude consiste aussi à accepter que nous ne pouvons pas toujours tout maitriser. Parfois, la seule manière de gérer l’incertitude consiste donc à accepter qu’elle fait partie de notre réalité : on ne “gère” pas l’incertitude, on se gère soi dans un environnement et dans un contexte incertains. L’enjeu consiste ici à reconnaitre les éléments de notre vie qui nous échappent de ceux sur lesquels nous pouvons avoir une prise. Par exemple :

  • On ne peut pas toujours anticiper une dépense imprévue, mais on peut mettre régulièrement de l’argent de côté pour parer aux coups durs (accident, chômage, réparation…) ;
  • On ne peut pas toujours anticiper un problème de santé, mais on peut adopter un mode de vie sain pour en réduire les risques d’apparition (limiter l’alcool et la malbouffe, bouger régulièrement…) ;
  • On ne peut pas toujours anticiper un licenciement, mais on peut cultiver son réseau et rester dans une démarche d’apprentissage continu pour garder ses compétences à jour.
  • On ne peut pas toujours anticiper la perte d’un proche, mais on peut choisir de prendre régulièrement du temps de qualité pour profiter au maximum de la relation avec celui-ci, tant que c’est possible.

Enfin, sans tomber dans une attitude Bisounours, je vous invite également à considérer l’incertitude sous un angle différent. Certes l’incertitude constitue une source de stress et d’anxiété. Mais elle permet également au moins trois choses :

  • L’incertitude permet d’exercer notre libre arbitre. Nous vivons dans un monde imprévisible, mais c’est grâce à cela que rien n’est figé dans le marbre ou défini à l’avance. L’incertitude nous permet ainsi d’exprimer notre créativité et d’exercer notre sens de l’innovation.
  • Le stress peut devenir une source de motivation. Si son excès pose souci, un certain niveau est toutefois souhaitable. Même si l’incertitude nous met parfois dans une position paradoxale, on peut considérer le stress comme une source de motivation qui va nous aider à focaliser notre attention sur ce qui est important, pour essayer de développer notre sentiment de contrôle.((Sweeny, K. & Dooley, M.D. (2017). The suprising upsides of worry. Social and Personality Psychology Compass, 11:e12311.))
  • L’incertitude peut mener à plus d’appréciation. Quand les individus se rendent compte du caractère imprédictible de la vie, de son caractère fragile et éphémère, ils semblent avoir tendance à davantage savourer l’instant présent et à rapporter des niveaux de bien-être psychologique plus élevés.((Gregory, A.L., Quoidbach, J., Haase, C.M. & Piff, P.K. (2021). Be here now: Perceptions of uncertainty enhance savoring. Emotion. Advance online publication.))

Ce sont nos choix qui déterminent qui nous sommes, beaucoup plus que nos aptitudes.

Albus Dumbledore((extrait de l’ouvrage “Harry Potter et la Chambre des Secrets” (J.K. Rowling).))

Et c’est ce que je vous invite à faire maintenant : essayez de prendre conscience de tout ce que la vie peut vous apporter, de tout ce qu’elle peut vous offrir. Qu’est-ce qui est important pour vous ? Puis, rappelez-vous que parmi toutes les décisions que vous serez amenés à prendre, parmi toutes les situations que vous rencontrerez encore à l’avenir, la meilleure chose que vous puissiez faire, c’est faire de votre mieux et aller de l’avant.

En résumé

  1. Nous vivons dans un monde imprévisible. Pourtant, chaque jour, nous prenons des décisions qui orientent le cours de nos vies. Cette incertitude peut avoir un impact non négligeable sur notre santé mentale et sur nos capacités de raisonnement.
  2. Plus le contexte est incertain, plus on a difficile à s’autoréguler et à faire face à celui-ci. Apprendre à gérer l’incertitude peut se faire de plusieurs façons : en investissant dans son capital psychologique, en concentrant son attention sur l’instant présent, en améliorant sa communication, en adoptant une démarche d’apprentissage continu et en croisant les regards.
  3. On ne peut pas toujours tout prévoir. Parfois, la seule manière de gérer l’incertitude consiste donc à lâcher-prise et à accepter qu’elle fait partie de notre réalité. À un moment donné, il y aura des choix difficiles à faire et il nous faudra apprendre à vivre avec.
  1. Sweeny, K. & Falkenstein, A. (2015). Is waiting the hardest part? Comparing the emotional experiences of awaiting and receiving bad news. Personality and Social Psychology Bulletin, 41(11), 1551-1559. []
  2. Sweeny, K. & Cavanaugh, A.G. (2015). Principles for effective coping in work-related uncertain situations. In J. Vuori, R. Blonk & R.H. Price (Eds), Sustainable Working Lives (pp. 129-143). Springer. []
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