L’art du rangement avec Marie Kondo : la méthode KonMari peut-elle vous aider à être plus heureux et efficace au quotidien ?

Mise en avant suite à la diffusion de la série "L'Art du Rangement avec Marie Kondo", la méthode KonMari peut avoir des effets bénéfiques sur notre bien-être, à condition de ne pas tomber dans l'excès.
Image mise en avant pour l'article "L’art du rangement avec Marie Kondo vu sous l'angle de la psychologie" de David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.

Table des matières

Popularisée grâce à la série « L’Art du Rangement avec Marie Kondo », le phénomène a envahi la Toile. Et à moins d’avoir vécu au fin fond de l’Antarctique au cours des dernières semaines, vous n’y avez probablement pas échappé. Mais la méthode KonMari est-elle réellement efficace ? Peut-elle vous aider à produire des étincelles de joie et de bonheur au quotidien ? Examinons cela sous l’angle de la recherche scientifique.

Il y a quelques semaines, c’est au hasard d’un zapping sur Netflix que mon épouse et moi-même sommes tombés – sans nous faire trop de mal – sur la série « L’Art du Rangement avec Marie Kondo » :

Tidying up with Marie Kondo (Official Trailer). Téléchargé le 15/02/2019 depuis la chaine YouTube Netflix.

À la base, nous nous considérons comme des personnes ordonnées (sans être maniaques). Mais nous nous sommes dits : « Pourquoi pas, on ne sait jamais, il y a peut-être quelque chose à prendre et à en tirer ? »

Et force est de constater qu’un certain enthousiasme s’est emparé de nous. Globalement, n’étant pas des dingues de fringues, nous n’avons pas eu grand chose à éliminer de notre garde-robe. Mais grâce aux techniques de pliage, nous avons réussi à gagner plus de place et à mieux faire tenir nos vêtements dans nos espaces de rangement.

Si globalement j’ai été convaincu par le processus, certains éléments de la méthode m’ont quand même laissés perplexe. Et malgré tout le bien que les adeptes de la méthode en disent, d’autres restent plus réservés. C’est le cas de Gretchen Rubin. Sans remettre la méthode en question, elle marque pourtant son désaccord concernant certains éléments. Et au bout de quelques jours, plusieurs questions ont commencé à me titiller :

  • Tous les principes de la méthode KonMari sont-ils réellement efficaces ?
  • Le processus proposé par Marie Kondo peut-il s’appliquer à tout un chacun ?
  • Quels sont les effets soi-disants thérapeutiques de la méthode ?

L’art du rangement avec Marie Kondo : les principes essentiels de la méthode KonMari

Vous n’avez pas vu la série Netflix, ni lu l’ouvrage de Marie Kondo ? On peut résumer la méthode KonMari en trois grands principes de base :

  1. Éliminer le superflu. Se séparer de tout ce qui ne nous est pas (ou plus) nécessaire, n’a plus aucune signification pour nous. Ne garder que les objets et items qui nous procurent un sentiment de joie et pour lesquels nous ressentons quelque chose de spécial.
  2. Trier ses affaires par catégorie, plutôt que de de vouloir ranger une pièce en particulier. Par ordre de priorités, trier les vêtements, puis les livres, la paperasse et les objets divers.
  3. Planifier un rangement massif d’une traite. Plutôt que de faire une pièce à la fois chaque semaine, Marie Kondo préconise de bloquer du temps en conséquence et de procéder au rangement de votre habitation d’un coup. Selon elle, si vous le faites bien à fond en une fois, vous n’aurez plus besoin de le refaire par la suite.
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The KonMari Method Cheat Sheet. Téléchargé le 15/02/2019 depuis le site web MakeSpace.

Les effets du rangement, du tri et de nos possessions sur notre bien-être psychologique et notre santé mentale

Soyons clairs : à ma connaissance, il n’existe pas encore d’étude scientifique qui se soit concentré exclusivement sur la méthode KonMari. Toutefois, les résultats de recherches scientifiques que j’ai pu glaner se concentrent sur des thèmes qui entrent en ligne de compte : effets d’environnements ordonnés vs. désordonnés sur notre bien-être psychologique, notre santé mentale, notre efficacité personnelle, etc.

Aussi, pour être 100% transparent avec vous, je n’ai pas eu le temps de vérifier l’existence de méta-analyses sur le sujet. La plupart des résultats présentés ici sont donc issus d’études relativement isolées, n’ayant pas toujours bénéficié d’échantillons de dingue… Soyez donc prudents dans l’interprétation et dans la généralisation des résultats.

Sur ce, que peut-on relever d’intéressant dans la littérature scientifique ? En quoi le fait de trier et ranger (ou de ne pas trier et de ne pas ranger) peut-il avoir des effets sur notre bien-être et notre santé ? Examinons cela !

1. Le désordre peut provoquer une augmentation de notre niveau de stress

Maison ou un appartement mal rangés, des affaires qui trainent partout… Une scène somme toute assez courante que nous avons toutes et tous vécu au moins une fois dans notre vie. Un peu de désordre de temps en temps, c’est normal, ça arrive. Mais à moyen ou long terme, cela peut mettre à mal notre bien-être psychologique.

En 2010, les chercheuses Darby Saxe et Rena Repetti ont publié une étude((Saxbe, D.E. & Repetti, R. (2010). No place like home: Home tours correlate with daily patterns of mood and cortisol. Personality and Social Psychology Bulletin, 36(1), 71-81.)) dans laquelle elles ont analysé le discours de 60 mères de famille. Elles leur ont demandé de s’enregistrer (via une caméra) en parcourant leurs maisons et en parlant des biens qui leur appartiennent. Parallèlement aux enregistrements, les chercheuses ont demandé aux mères de famille de collecter chaque jour un échantillon de leur propre salive.

Trois semaines plus tard, les chercheuses procèdent aux analyses linguistiques du discours des mères de famille. Elles analysent également les échantillons de salive pour mesurer le taux de cortisol (la fameuse hormone du stress). Résultat des courses, par rapport aux femmes qui perçoivent leur environnement comme « ordonné » :

  • celles qui perçoivent leur environnement comme désordonné indiquent des niveaux de bien-être plus faibles,
  • on observe également, chez elles, un taux de cortisol supérieur.

Le même type de résultats ressort d’une étude menée par des chercheurs de l’Université du Nouveau Mexique en 2016((Roster, C.A., Ferrari, J.R. & Jurkat, M.P. (2016). The dark side of home: Assessing possession ‘clutter’ on subjective well-being. Journal of Environmental Psychology, 46, 32-41.)) : le désordre – défini dans ce cas-ci comme une surabondance de biens – aurait un impact négatif sur notre niveau de bien-être subjectif (notre niveau de « bonheur »). Le désordre compliquerait notre vie quotidienne, rendant nos affaires difficile à trouver, ce qui générerait des expériences et des sentiments négatifs au fil du temps.

À noter aussi que l’accumulation de biens ne favorisait pas notre attachement envers eux((Kwok, C., Grisham, J.R. & Norberg, M.M. (2018). Object attachment: Humanness increases sentimental and instrumental values. Journal of Behavioral Addictions, 7(4), 1132-1142.)) : plus on accumule d’objets, plus cela provoquerait un sentiment de détresse psychologique. Cela s’expliquerait par le fait que le désordre nous empêche de percevoir correctement les items que nous aimons réellement. Ceux-ci se retrouveraient enterrés ou cachés sous un amoncellement d’affaires n’ayant (plus) aucune signification particulière pour nous.

Les résultats de ces études semblent donc indiquer que le désordre pourrait susciter plus de stress et un niveau de bien-être plus faible. Le fait de ranger pourrait donc participer à un meilleur bien-être psychologique en permettant de se sentir davantage en contrôle de son environnement.

2. Le désordre pourrait affecter notre efficacité

Lorsque plusieurs stimuli visuels sont face à nous, chacun d’entre eux entre en compétition avec l’autre pour tenter de gagner notre attention. En 2011, Stephanie McMains et Sabine Kastner, chercheuses à l’Institut des Neurosciences de l’Université de Princeton, ont étudié ce phénomène((McMains, S. & Kastner, S. (2011). Interactions of top-down and bottom-up mechanisms in human visual cortex. The Journal of Neuroscience, 31(2), 587-597.)). Elles ont analysé les réponses de participants lorsqu’ils réalisaient une activité dans des environnements ordonnés ou désordonnés. Leurs résultats indiquent que le désordre limite notre capacité de concentration et l’habileté du cerveau à processer les informations correctement.

Une autre étude menée en 2013 par l’Université de Navarra((Mateo, R., Hernandez, J.R., Jaca, C. & Blazsek, S. (2013). Effects of tidy/messy work environment on human accuracy. Management Decision, 51(9), 1861-1877.)) s’est également penché sur la question dans les environnements de travail. Les chercheurs ont demandé à 80 participants de réaliser une tâche simple (encoder des informations sur un ordinateur), en les divisant en deux groupes :

  • les uns devaient réaliser la tâche dans un environnement « ordonné »,
  • les autres dans un environnement « désordonné ».

Résultats : les participants ont commis plus d’erreurs dans des environnements désordonnés que dans des environnements ordonnés.

N.B. Dans cette dernière étude, l’échantillon est assez limité (80 sujets d’expérience). De plus, seules les personnes consciencieuses – selon la définition qu’en fait le modèle des ‘Big Five’ en psychologie de la personnalité – bénéficieraient de travailler dans des environnements plus ordonnés. Dans le cas de personnalités moins consciencieuses, aucune différence significative n’est observée au niveau de leur degré d’efficacité et de précision dans la réalisation de la tâche demandée. Pas de conclusion hâtive donc, ni de généralisation à outrance !

Les effets d'un environnement de travail ordonné ou désordonné sur notre efficacité. Image illustrant le fait que, en général, nous sommes plus efficaces au sein d'un environnement de travail ordonné et moins efficaces au sein d'un environnement de travail désordonné. Traduit et adapté d'après Mateo et al. (2013). Image sous licence CC-BY, réalisée par David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.
Les effets d’un environnement de travail ordonné ou désordonné sur notre efficacité. Traduit et adapté d’après Mateo et al. (2013). Image sous licence Creative Commons (CC-BY).

3. Avoir plus de possessions n’est pas nécessairement synonyme de bonheur

Selon l’adage : « L’argent ne fait pas le bonheur ». Cependant les recherches scientifiques montrent que ce n’est pas tout à fait exact. L’argent peut nous rendre plus heureux… mais jusqu’à un certain point ! Thomas Gilovich, professeur de psychologie à l’Université Cornell, s’est particulièrement intéressé à la relation existante entre bien-être subjectif et niveau de revenus. Ses recherches indiquent, de manière assez claire, que notre niveau de bien-être augmente effectivement en fonction de notre revenu annuel((Gilovich, T., Kumar, A. & Jampol, L. (2015). A wonderful life: Experiential consumption and the pursuit of happiness. Journal of Consumer Psychology, 25(1), 152-165.)). Mais il atteint un plateau au-delà de 75.000$.

De plus, il précise que nous acquérons des possessions en pensant que celles-ci nous rendent plus heureux. Cela se vérifie, mais jusqu’à un certain point : les nouvelles possessions que nous acquérons suscitent de l’excitation et de l’enthousiasme au début. Mais peu à peu, nous finissons par nous habituer à celles-ci. Notre niveau de bonheur finit ainsi par retomber à son état initial au bout de quelques jours (ou mois, en fonction de la possession acquise).

Gilovich propose ainsi d’investir davantage dans des expériences (activités extérieures, apprentissage d’une nouvelle compétence, voyage…). En effet, contrairement aux personnes ayant investi dans des biens ou des objets, les personnes ayant investi dans ce type d’expériences rapportent des niveaux de bien-être supérieurs, et ce même à très long terme (plusieurs mois, voire plusieurs années encore après).

Une autre recherche publiée en 2011 par Elizabeth Dunn, Daniel Gilbert et Timothy Wilson suggère que, pour augmenter son niveau de bonheur, il est préférable de dépenser son argent, entre autre, de la manière suivante((Dunn, E.W., Gilbert, D.T. & Wilson, T.D. (2011). If money doesn’t make you happy, then you probably aren’t spending it right. Journal of Consumer Psychology, 21, 115-125.)) :

  • investir dans des expériences, plutôt que dans des biens matériels,
  • utiliser son argent pour faire plaisir aux autres plutôt qu’à soi-même,
  • s’offrir de petits plaisirs réguliers, plutôt que de « gros » plaisirs plus rares,
  • éviter de se comparer socialement aux comportements d’achat des autres.

Quelques éléments complémentaires dans la conférence TED de Dan Gilbert, professeur en psychologie à l’Université de Harvard :

The surprising science of happiness (par Dan Gilbert). Téléchargé le 15/02/2019 depuis le site web de TED.

4. Parfois, mieux vaut en faire un peu à la fois que trop d’un coup

Un des principes formulé par Marie Kondo implique de planifier un bloc de temps conséquent et de faire le grand ménage une bonne fois pour toutes. Selon elle, une fois que vous aurez réalisé cette action, vous n’aurez plus à ré-itérer l’expérience. Si cela peut sembler séduisant de prime abord, il y a de fortes probabilités que cela ne convienne pas à tout le monde.

Une recherche publiée en 2017 par l’équipe du Human Behavior Lab s’est penché sur la question de savoir si notre niveau de volonté est une ressource limitée. Les résultats montrent que faire preuve de volonté au début d’une tâche permet de faciliter l’exercice de celle-ci par la suite. Toutefois, si on fait preuve de trop de volonté au début – et de manière trop intensive – on augmente les risques d’abandon par la suite.

À retenir donc que, parfois, mieux vaut en faire un peu régulièrement que d’en faire trop d’un coup.

5. Il n’est pas toujours nécessaire (ni souhaitable) de tout orienter vers la joie

Enfin, un des éléments les plus importants formulé par Marie Kondo est le fameux « Spark Joy ». Autrement dit : en triant vos affaires, ne conservez que les biens qui vous procurent un sentiment de joie.

Alors, certes j’ai un attachement particulier à certains de mes biens. Mais c’est loin d’être le cas pour tout : linge de maison, ustensiles de cuisine… Ces éléments ne me procurent aucun sentiment particulier et ont une fonction purement utilitaire. Si je peux comprendre que ces sentiments diffèrent en fonction des centres d’intérêt de chacun, de mon point de vue, il me semble illusoire de vouloir tout orienter vers la joie.

Plusieurs études mettent ainsi en doute l’idée de ne vouloir éprouver que des émotions « positives ». Ce phénomène qu’on nomme « diversité émotionnelle » (ou « émodiversité ») part du principe que le fait d’accepter aussi les sentiments qu’on estime moins agréables fait partie de la vie et semble nécessaire à une bonne santé psychologique. Les recherches menées sur ce sujet indiquent que les personnes faisant preuve de diversité émotionnelle présentent((Quoidbach, J., Gruber, J., Mikolajczak, M., Kogan, A., Kotsou, I. & Norton, M.I. (2014). Emodiversity and the emotional ecosystem. Journal of Experimental Psychology, 143(6), 2057-2066.))1 :

  • moins de symptômes dépressifs,
  • moins de marqueurs d’inflammations,
  • un meilleur état de santé (psychologique et physiologique),
  • un sentiment de bien-être plus élevé sur le long terme.

Comme l’indique clairement le titre de cet article : « You can’t always make yourself happy »

Faut-il succomber à la KondoMania pour vivre plus heureux et plus serein ?

D’un côté, il n’y a pas de mal à essayer. L’art du rangement n’est pas une spécificité de la méthode KonMari, et le fait de trier et ranger pourrait vous apporter certains bénéfices : moins de stress, meilleur sentiment de contrôle et de confiance en soi, meilleur sentiment de bien-être et d’efficacité (au niveau personnel et professionnel).

Toutefois, il est important de ne pas se mettre la pression et d’adapter la méthode en fonction de ce qui nous convient le mieux. En particulier, il sera parfois plus efficace de contourner le principe du rangement massif d’une traite pour préférer échelonner le processus sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois : en essayant de vouloir tout faire d’un coup, vous risqueriez de vous décourager… et du coup d’amoindrir votre confiance en vous.

De plus, les recherches montrent assez clairement que tout orienter vers la joie et le bonheur est illusoire. Au contraire, accepter nos émotions dans toute leur diversité nous aidera à être en meilleure santé, aussi bien sur le plan psychologique que sur le volet physique.

S’il ne s’agit donc nullement d’une mauvaise méthode, le mieux sera donc de la tester. Puis de constater par vous-même les effets qui en découlent. Au bout du compte, si vous sentez que ça ne colle pas ou que certains principes ne fonctionnent pas pour vous, adaptez le processus à vos besoins, à votre caractère, à votre personnalité, et aux talents qui vous sont propres.

En résumé

  1. La méthode KonMari ne cesse de gagner en popularité, notamment grâce à la diffusion de la série « L’Art du Rangement avec Marie Kondo » sur Netflix. Cette méthode se base sur trois grands principes : éliminer le superflu, trier ses affaires par catégorie, et planifier un rangement massif d’une traite.
  2. Bien que les effets ne soient pas spécifiques à la méthode KonMari, le fait de trier et ranger peut apporter certains bénéfices pour notre bien-être et notre santé psychologique : moins de stress, meilleur sentiment de contrôle, augmentation du niveau de confiance en soi, meilleure efficacité au quotidien (que ce soit dans la sphère privée ou professionnelle).
  3. Afin de ne pas se décourager, il parait important d’adapter la méthode à ses propres besoins et modes de fonctionnement : parfois, mieux vaut en faire un peu à la fois que trop d’un coup. De plus, tout orienter vers la joie ne semble ni réaliste ni souhaitable : la diversité émotionnelle (le fait d’accepter ses émotions qu’elles soient « positives » ou « négatives ») semble également un facteur important pour assurer notre santé psychologique.
  1. Ong, A.D., Benson, L., Zautra, A.J. & Ram, N. (2018). Emodiversity and biomarkers of inflammation. Emotion, 18(1), 3-14. []
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