Les neuromythes sont parmi nous : comment les détecter et arrêter de croire aux contes de fées

Les neuromythes constituent des croyances erronées à propos du fonctionnement de notre cerveau. Si certains ne portent pas à conséquence, d'autres peuvent présenter des risques et avoir des effets insidieux.
Image mise en avant pour l'article "Les neuromythes sont parmi nous" de David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.

Table des matières

Les recherches en neurosciences ont connu un développement fulgurant au cours des dernières années. Pour le meilleur… et malheureusement aussi pour le pire. Car si ces recherches permettent de mieux comprendre l’être humain, leur propos peut être détourné et déformé, à tort et à travers. C’est ce que nous allons voir dans le cas des neuromythes.

Mais avant de plonger directement dans le sujet, je vous propose de répondre par “Vrai” ou “Faux” aux propositions suivantes. Prêts ? C’est parti :

  • Les individus apprennent mieux si l’information leur est communiquée en fonction de leur style d’apprentissage préféré (ex. auditif, visuel, kinesthésique…).
  • Les personnes à dominance hémisphérique droite sont plus créatives que les personnes à dominance hémisphérique gauche.
  • On utilise que 10% de notre cerveau.
  • L’âge de 3 ans constitue une période critique au-delà de laquelle les enfants éprouvent des difficultés à apprendre de nouvelles choses.
  • Parmi les différents types de personnalités existants, les individus peuvent être catégorisés comme étant soit introvertis, soit extravertis.

Si vous avez répondu “Vrai” à l’ensemble (ou à la majorité) des propositions ci-dessus, félicitations… car vous êtes tombé dans le panneau ! En effet, toutes ces propositions sont fausses. Et si vous y avez répondu positivement, c’est bien la preuve que OUI, les neuromythes sont parmis nous.

À priori rien de grave, me direz-vous. Pourtant, si nous n’y prêtons pas attention, ces neuromythes peuvent avoir des effets pour le moins… insidieux.

Pourquoi est-il important de s’intéresser aux neuromythes ?

Il y a de cela plusieurs mois, Marie-Louise travaille comme avocate au sein d’une multinationale. Son entreprise est en cours d’acquisition par une autre firme. Elle est donc naturellement préoccupée et inquiète à l’idée de savoir ce qu’il adviendra de son poste. Pour répondre aux interrogations et aux inquiétudes des membres du personnel, les nouveaux patrons décident d’organiser une retraite. Avant celle-ci, ils demandent à chacun de passer un test de personnalité.

Le jour J, Marie-Louise se présente, et se voit remettre un t-shirt qu’on lui demande de porter. En fait, pour situer les employés et savoir “qui est qui”, les patrons ont fait imprimer un t-shirt pour chacun… sur lequel ils ont fait inscrire le type de personnalité de chacun suite à la passation préalable du test.

Et un des nouveaux seniors exécutifs d’en rajouter une couche en rigolant : « For everyone who doesn’t match my personality type, don’t worry, you won’t be fired, but you’ll slowly be weeded out. »

Cette histoire pourrait vous sembler énorme et tirée par les cheveux. Il s’agit pourtant d’une réalité : Marie-Louise existe vraiment, et vous pouvez retrouver son témoignage sur le podcast “Work/Life” de Adam Grant, psychologue américain et professeur à la Wharton School. Ce témoignage révèle que, à l’heure actuelle, des personnes se font virer du jour au lendemain pour avoir un “mauvais” type de personnalité. Et c’est pourquoi, de mon point de vue, il est CRUCIAL de s’intéresser à la question des neuromythes, car ils peuvent potentiellement causer de graves dégâts humains !

Your hidden personality. Téléchargé le 07/04/2018 depuis le podcast WorkLife de Adam Grant.

Qu’est-ce qu’un neuromythe et quelles sont ses caractéristiques ?

D’après Steve Masson – professeur à l’UQAM et directeur du Laboratoire de Recherche en Neuroéducation – un neuromythe est une “croyance erronée à propos du fonctionnement de notre cerveau.”

Au-delà du fonctionnement de notre cerveau, on retrouve également sous l’appellation “neuromythe” une série de mythes liés à des croyances erronées à propos de notre fonctionnement psychologique en général((Lafortune, S., Brault-Foisy, L.M. & Masson, S. (2013). Méfiez-vous des neuromythes. Vivre le primaire, 26(2), 56-58.)). En anglais, nombreux sont les mots-clés qui regroupent, au final, des mythes divers et variés (“brain myths”, “learning myths”“psychological myths”“developmental myths”…)((Furnham, A. (2018). Myths and misconceptions in developmental and neuro-psychology. Psychology, 9, 249-259.)).

On trouve une littérature assez abondante sur ce sujet dans le domaine de la formation et de l’éducation((Dekker, S., Lee, N.C., Howard-Jones, P. & Jolles, J. (2012). Neuromyths in education: Prevalence and predictors of misconceptions among teachers. Frontiers in Psychology, 3:429.)). Mais, comme l’exemple de Marie-Louise ci-dessus nous le fait comprendre, les neuromythes sont aussi présents dans d’autres contextes organisationnels : RH (notamment en recrutement), management, leadership…

En fait, les neuromythes sont devenus une légende des temps modernes. Tout comme une légende trouve ses origines dans des faits historiques, un neuromythe possède généralement (mais pas toujours) une part de vérité scientifique.

Globalement, les neuromythes peuvent prendre plusieurs formes :

1. Un fait scientifique dépassé

Il peut s’agir d’un fait scientifiquement avéré dans le passé, mais invalidé par des recherches plus récentes : la recherche évolue constamment, et ce qui était établi comme un fait ou consensus scientifique il y a de cela 20 ans n’est plus forcément considéré comme tel à l’heure actuelle. De plus, les méthodes de recherche évoluent grâce aux évolutions technologiques, et nous disposons maintenant d’outils de mesure dont nous ne disposions pas il y a quelques dizaines d’années : IRM, PETscan, électro-encéphalogramme, outils de tracking visuels… Tous ces outils sont finalement très récents dans l’histoire de la science. Il est donc primordial de comprendre que LA vérité scientifique n’existe pas.

2. Une simplification excessive

Il peut s’agir d’une mauvaise vulgarisation, ou d’une simplification excessive d’un processus (neuro)psychologique. Malheureusement, quand on cherche à s’intéresser sérieusement à ces sujets, RIEN n’est simple. Alors pourquoi avons-nous tendance à simplifier autant les choses, et parfois à outrance ? Parce que en tant qu’êtres humains, nous sommes entourés d’une masse incalculable d’informations, et nous avons besoin d’apporter de l’ordre dans le chaos qui nous entoure. C’est pourquoi nous raffolons des modèles, des typologies, qui permettent de ranger dans des cases. Cela nous rassure et nous permet de simplifier le traitement des informations qui nous parviennent. Mais il faut se rappeler que les modèles, en tant que tels, n’existent pas : ils sont créés artificiellement pour nous permettre de donner du sens à nos observations, nos expériences.

3. Une absence de sources

Enfin, ni l’un ni l’autre. Certains mythes ont juste une origine peu claire, peu définie, voire carrément inexistante, on n’en trouve aucune source. Mais ils ont une apparence sexy et on a remis une couche scientifique par dessus pour qu’ils aient l’air crédibles. On pourrait représenter ces critères au moyen d’une équation simple :

(Fait / Typologie x Sexyness) + Allure (neuro)scientifique = Neuromythe

Rajoutez à cela un bon relais de communication (réseaux sociaux, influenceurs…), et le mythe prolifère. Un peu à la manière des “fake news” qui se trouvent au centre de l’actualité depuis quelques temps, notamment sur Facebook.

Les différentes formes et caractéristiques des neuromythes. Image représentant les trois principales formes de neuromythes (fait scientifique dépassé, simplification excessive, absence de sources). Image sous licence CC-BY, réalisée par David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.
Les différentes formes et caractéristiques des neuromythes. Image sous licence Creative Commons (CC-BY).

Neuromythes, neurobullshit : 4 neuromythes parmi les plus populaires

Je me permets de faire ici un retour en arrière par rapport aux affirmations proposées au début de cet article. Il est vraisemblable que vous ayez déjà croisé la route de certains de ces neuromythes, et je m’attacherai ici à essayer de déchiffrer ce qui relève de la légende et du “fait” scientifique((Jarrett, C. (2015). Great myths of the brain. Chichester, UK: John Wiley & Sons.))1.

1. Tout se joue avant l’âge de trois ans

Autrement dit : l’âge de 3 ans constituerait une période “critique” au-delà de laquelle les enfants auraient des difficultés à apprendre de nouvelles choses. Ce qui est vrai, c’est que le développement des connexions neuronales est particulièrement intense durant les trois premières années de la vie, et que ce rythme a tendance à ralentir au fil des années.

Ce qui est faux, c’est de croire que “tout est joué” et qu’on est dans l’incapacité d’apprendre de nouvelles choses par la suite. En effet, même si le développement des connexions neuronales ralentit, il ne s’interrompt pas pour autant. Des recherches menées à Stanford montrent d’ailleurs que, contrairement à ce qu’on pensait encore il y a plus de 10 ans, certaines zones du cerveau continuent à produire des neurones, même à l’âge adulte.

2. Le principe de dominance hémisphérique

Notre cerveau est constitué de deux hémisphères : l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit. Le principe de dominance hémisphérique (autrement connu sous le nom de “cerveau gauche / cerveau droit”) part du principe que les personnes utilisant davantage leur hémisphère gauche auraient des capacités plutôt analytiques, logiques et rationnelles, alors que les personnes utilisant davantage leur hémisphère droit auraient des capacités plutôt artistiques, créatives et émotionnelles.

La réalité est beaucoup plus nuancée que cela et est loin d’être aussi simple. Les techniques d’imagerie cérébrale montrent que l’ensemble des tâches cognitives est effectué de façon bilatérale et que les deux hémisphères travaillent de concert. Une des rares fonctions à être latéralisée majoritairement à gauche est le langage. Mais même dans ce cas, on observe, aussi une activation (certes moindre) de certaines zones localisées dans l’hémisphère droit((Nielsen, J.A., Zielinski, B.A., Ferguson, M.A., Lainhart, J.E. & Anderson, J.S. (2013). An evaluation of the left-brain vs. right-brain hypothesis with resting state functional connectivity magnetic resonance imaging. PLoS ONE, 8(8):e71275.)).

En ce qui concerne la créativité, on observe que certaines tâches de résolution de problèmes font intervenir des zones localisées dans l’hémisphère droit… mais la résolution de problèmes n’est qu’une forme de créativité parmi d’autres, et le fait de raconter des histoires (le storytelling), par exemple, active des zones situées dans l’hémisphère gauche. La stricte distinction et opposition entre les deux hémisphères est donc un pur non-sens.

3. L’efficacité des styles d’apprentissage

Ce mythe part du principe que nous développons tous des préférences d’apprentissage (certains seraient plus visuels, d’autres plus auditifs, ou encore kinesthésiques), et que le fait de nous enseigner en utilisant notre canal préféré améliorerait et renforcerait nos apprentissages. En somme, plus on s’adresserait à nous dans notre canal favori, mieux on apprendrait.

Ce qui est vrai, c’est que nous pouvons avoir effectivement des préférences. Par contre, ce qui est plus que remis en question, c’est le fait que nos préférences renforceraient d’emblée la qualité de nos apprentissages((Pashler, H., McDaniel, M., Rohrer, D. & Bjork, R. (2009). Learning styles: concepts and evidence. Psychological Science in the Public Interest, 9(3), 105-119.)). En effet, nous autres pauvres mortels sommes TRÈS mauvais en matière de connaissance de soi (“self-awareness”) : ce que nous croyons et ce que nous pensons de nous-même ne traduit pas nécessairement une réalité objective. En somme, ce n’est pas parce que nous croyons être visuels, ou auditifs, ou kinesthésiques, que c’est effectivement ce canal là qui est le meilleur pour nous.

D’autre part, la majorité des études récentes a tendance à montrer que ce n’est pas la mobilisation d’un seul canal, mais bien de plusieurs canaux, qui consolide nos apprentissages((Mayer, R. (2008). Applying the science of learning: evidence-based principles for the design of multimedia instruction. American Psychologist, 63(8), 760-769.)). Si on présente un même message à trois groupes différents :

  • Groupe 1 : message présenté sous forme visuelle,
  • Groupe 2 : message présenté sous forme verbale,
  • Groupe 3 : message présenté sous forme visuelle ET verbale,

C’est le troisième groupe qui montrera, en majorité, un meilleur taux de compréhension et de mémorisation sur le long terme((Jamet, E. (2007). Concevoir des documents multimédias pour favoriser la compréhension. Dans J.F. Rouet, B. Germain & I. Mazel (Eds), Lecture et technologie numérique. SCEREN/CNDP.)).

Enfin, si on devait vraiment retenir un seul sens, il nous faudrait privilégier la vision car elle l’emporte sur tous les autres sens. Dans la majorité des cas, nous aurons toujours un meilleur souvenir et un meilleur rappel des images qui nous auront été présentées, en comparaison à des éléments verbaux ou textuels((Medina, J. (2014). Brain rules: Twelve principles for surviving and thriving at work, home, and school. Seattle: Pear Press.)).

4. On utilise que 10% de notre cerveau

Ce mythe là, on ne sait pas trop d’où il sort. Certains l’attribuent à un neurochirurgien italien qui, au XIXème siècle, traitait ses patients en leur prélevant des morceaux de cerveau pour mieux déterminer les causes de leur maladie. D’autres l’attribuent à Albert Einstein qui se serait moqué d’un journaliste en lui disant que le niveau de ses questions était tel qu’il ne devait utiliser que 10% de son cerveau. Et le monde du cinéma n’a fait que renforcer cette croyance lors de la sortie du film “Lucy” de Luc Besson.

Quoiqu’il en soit, l’ensemble des études sur le cerveau n’a JAMAIS trouvé une portion non utilisée. Certes il existe des zones pour lesquelles on a pas encore réussi à déterminer la fonction. Mais les travaux en imagerie cérébrale confirment que le cerveau est actif à 100% et que l’ensemble des zones cérébrales est en constante interaction.

Quels sont les risques posés par les neuromythes ?

Si certains mythes peuvent sembler inoffensifs de prime abord, ils posent chacun à leur manière des risques concrets :

1. Prendre de mauvaises décisions

Imaginez que vous prévoyez de faire un tour d’Europe en voiture et que vous chargiez une carte d’Amérique dans votre GPS. À moins d’avoir une excellente connaissance des routes et de la géographie, il y a de fortes chances que vous vous plantiez à un moment donné et que vous vous retrouviez en rade. Que ce soit au sein de notre société, de nos organisations, dans nos familles, nous prenons chaque jour des décisions, nous faisons chaque jour des choix, certains plus importants et stratégiques que d’autres. Si les faits, les mesures, les outils sur lesquels vous vous basez ne sont pas suffisamment précis, quelle est, à votre avis, la probabilité de prendre la meilleure décision ?

Le problème des neuromythes, c’est que malgré leur apparence parfois naïve, ils peuvent nous amener à faire de mauvais choix qui pourraient être évités. C’est le cas du mythe du “Tout se joue avant l’âge de trois ans”. En Angleterre, des politiques ont détourné ce “fait” pour justifier des ré-allocations budgétaires en faveur de l’enseignement maternel au détriment de l’enseignement universitaire, prétextant que le retour sur investissement serait meilleur((Howard-Jones, P. (2014). Neuroscience and education: myths and messages. Nature Reviews Neuroscience, 15, 817–824.)).

Idem pour les mythes “cerveau gauche / cerveau droit” et les “styles d’apprentissage” pour lesquels on conçoit à l’heure actuelle des programmes de formation destinés aux enseignants, aux éducateurs, aux formateurs, et qui génèrent donc un business important… mais scientifiquement parlant infondé.

2. Coincer les individus dans des cases

Imaginez un instant que votre taille de vêtements soit “L” et que les magasins ne proposent plus désormais que la taille “S” pour leurs t-shirts. De la même manière, il est impossible de réduire les individus à des “types” ou des “cases” bien précises et bien définies : chaque être humain est à la fois unique et semblable aux autres, et chaque cerveau est à la fois unique et différent. Méfiez-vous des raccourcis ou des simplifications excessives. Comme le dit l’adage : “One size does not fits all.”

Ainsi dans le cas des modèles en psychologie de la personnalité, on ne parlera pas de “types”, mais de “dimensions”. Par exemple, une des dimensions les plus connues de la personnalité, à savoir “introversion – extraversion” est en réalité un continuum sur lequel nous nous positionnons quelque part entre les deux, mais très rarement à l’une des extrémités (il existe d’ailleurs des personnes qui se trouvent quasi pile au milieu et qu’on appelle les “ambivertis”).

Or, s’ils sont mal utilisés ou utilisés à de mauvaises fins, certains modèles et outils tels que le MBTI ont tendance à renforcer le fait de mettre les individus dans des cases. D’autant plus que cet outil se base sur les théories psychanalytiques de Jung, qui datent maintenant d’il y a plus d’un siècle et qui sont plus que remises en question. Quand on étudie le MBTI d’un peu plus près, on se rend compte également de ses limites au niveau validité et fiabilité : un individu qui passe le MBTI aujourd’hui et qui le repasse un mois plus tard peut voir son profil changer du tout au tout. À utiliser donc avec beaucoup de précautions, surtout si vous l’utilisez en contexte RH et management.

Comment construire son propre détecteur pour déjouer les neuromythes ?

Même s’ils sont présents dans notre quotidien – et tout comme le bullshit – il existe plusieurs manières de les identifier. Pour ce faire, je vous propose d’examiner trois ensembles de données :

1. L’auteur du fait scientifique avancé

Des données relatives à l’auteur qui avance un fait neuroscientifique (ou le prestataire) :

  • Renseignez-vous a minima sur son background : a-t-il suivi une formation en psychologie, en neurosciences, en sciences cognitives ? De quelle(s) compétence(s) ou expérience(s) fait-il preuve pour avancer les faits ou les outils dont il parle ?
  • Intéressez-vous également aux outils et méthodes qu’il utilise : travaille-t-il exclusivement avec un seul outil, ou utilise-t-il un panel diversifié ?
  • Enfin, posez-vous la question de son intérêt : a-t-il un point de vue indépendant ou commercial ? S’il a un point de vue commercial, il a de fait un intérêt à vous vendre sa prestation, son outil.

Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : tous les prestataires ayant un intérêt commercial ne sont pas des charlatans. Il s’agit juste d’un critère, parmi d’autres, à prendre en compte.

2. Les sources mentionnées et utilisées

Des données relatives aux sources mentionnées et utilisées :

  • Si aucune source ou référence n’est citée ou mentionnée, il s’agit d’un carton rouge d’emblée : d’où viennent alors les informations avancées, et comment ont-elle été obtenues et collectées ? À priori, on peut difficilement tout sucer de son pouce et avoir tout inventé par soi-même.
  • Si des sources sont mentionnées, il sera important aussi d’évaluer la qualité et la pertinence de celles-ci. Sans vouloir être trop caricatural, un article provenant de “Psychologie Magazine” aura probablement moins de poids qu’un article publié dans “Harvard Business Review”.
  • Méfiez-vous aussi des formateurs ou des conférenciers qui vous présentent des images du cerveau, sous forme de coupes anatomiques, ou des images d’IRM pointant des zones du cerveau, et qui permettraient soi-disant de “prouver” leurs propos. Le simple fait de présenter des images du cerveau a une influence sur le public, qui tend du coup à croire que l’information présentée possède un côté véridique et incontestable.

3. Le fait scientifique ou l’outil

Des données relatives au fait scientifique (ou l’outil) avancé en tant que tel :

  • La simple présence de jargon ou de certains mots-clés devrait attirer votre attention : “neuro-marketing”“neuro-management”“neuro-leadership”“neuro-whatever”… les neurosciences sont utilisées à toutes les sauces de nos jours. Autant de signaux qui devraient susciter votre curiosité à vous renseigner sur l’auteur et les sources (surtout s’il s’agit en prime d’un concept sous marque déposée ®).
  • La date de publication est aussi un facteur déterminant à prendre en compte : quand l’outil ou le modèle a-t-il été développé ? De quand date sa dernière mise à jour ? Si la publication ou la création date d’il y a plus de 20 ans, cela peut être un signe d’absence de mise à jour. Quelle est alors la garantie que l’information délivrée soit cohérente ?
  • À ce propos, et particulièrement dans le cas des questionnaires, quel est leur degré de validité et de fiabilité ? Autrement dit : le questionnaire mesure-t-il bien ce qu’il est censé mesurer, et mesure-t-il la même chose à un moment T que 6 mois ou un an plus tard ? Concevoir un questionnaire est un exercice extrêmement périlleux, et qui ne se pond pas du jour au lendemain.

Un outil reste un outil. Même un « bon » outil peut donner lieu à une mauvaise mise en oeuvre. Il est donc indispensable de croiser les sources d’informations, et aussi d’évaluer les compétences et la qualité de la relation avec le praticien qui l’utilise.

Trois paramètres à prendre en compte pour déjouer les neuromythes. Image représentant les trois paramètres à prendre en considération pour évaluer si on a à faire avec un neuromythes (l'auteur ou le prestataire, les sources mentionnées, le fait ou l'outil en tant que tel). Image sous licence CC-BY, réalisée par David Vellut, psychologue, conseiller pédagogique et médiateur scientifique en psychologie.
Trois paramètres à prendre en compte pour déjouer les neuromythes. Image sous licence Creative Commons (CC-BY).

La vérité est ailleurs : sus aux neuromythes !

Comme vous pouvez le constater, identifier un neuromythe n’est pas une tâche aisée. Pourtant si vous voulez augmenter vos chances de prendre les bonnes décisions, tout en respectant les être humains qui composent vos équipes et organisations, il s’agit d’un défi à relever. Comme le disait Mulder à Scully dans la série X-Files : “La vérité est ailleurs !”

Mais cela nécessite de votre part d’arrêter de croire aux baguettes magiques et aux méthodes miracles qui se présentent à vous : il n’existe PAS de solution universelle qui puisse répondre à toutes vos demandes et à tous vos problèmes ! Enfin, j’aimerais vous inviter à considérer trois éléments qui me semblent essentiels dans notre chasse aux neuromythes :

  • Acceptez les limites de la science (et des neurosciences). Nous l’avons vu : LA vérité scientifique n’existe pas. Les résultats de recherches évoluent, les méthodes de recherche évoluent, et ce qui fait l’objet d’un consensus scientifique aujourd’hui ne le sera plus forcément dans 20 ans. De plus, en tant qu’êtres humains nous sommes imparfaits par nature. Nous faisons naturellement des erreurs. Même des sources scientifiques dignes de confiance ont leurs propres limites et peuvent potentiellement se tromper.
  • Développez votre esprit critique. Évitez de prendre tout ce qu’on vous vend, tout ce qu’on vous raconte, pour argent comptant. Continuez à apprendre et à développer vos connaissances pour rester vous-même à jour et challenger le statu quo. Acceptez aussi de vous remettre en question : nous sommes tous sujets à nous laisser berner par les neuromythes, moi y compris. Il est très facile de tomber dans le panneau si on y prend pas garde. Rester dans une démarche d’apprentissage et d’amélioration continue est donc essentiel, et cela passera aussi par le choix des sources auxquelles vous porterez votre attention.
  • Privilégier des regards multiples. Adoptez des points de vue multiples, des paires de lunettes différentes. Même si c’est difficile, essayez de vous forger une opinion la plus objective possible sur ce que vous voyez, sur ce que vous lisez, sur ce que vous entendez. Basez-vous sur vos propres expériences, et aussi sur l’expérience d’autres collaborateurs : dans votre entreprise, et en dehors de votre entreprise. N’hésitez pas à créer le plus de ponts possibles avec d’autres organisations, avec d’autres prestataires de services, et aussi avec les associations professionnelles et le monde académique.

Des sources scientifiques relativement bien vulgarisées, il en existe. Elles ne sont pas nécessairement évidentes au premier coup d’œil, mais elles sont là. À condition que vous vous donniez la peine de chercher un peu, vous trouverez des auteurs, des publications, qui vous permettront de faire évoluer vos pratiques avec un regard critique. De mon point de vue, je suis convaincu que c’est grâce à la pluralité des regards et des disciplines que nous pourrons, tous ensemble, prendre de meilleures décisions, pour notre société, pour nos organisations, pour nous-mêmes, pour nos enfants, et ainsi créer un monde meilleur.

En résumé

  1. Les neuromythes constituent des croyance erronées à propos du fonctionnement de notre cerveau. Globalement ils peuvent prendre plusieurs formes : un fait scientifique dépassé, une simplification excessive de la réalité, ou encore ils peuvent faire l’objet d’une absence totale de sources.
  2. Même si tous les neuromythes ne portent pas nécessairement à conséquence, ils posent néanmoins le risque de prendre de mauvaises décisions ou de coincer les individus dans des cases. On observe ce phénomène notamment avec l’utilisation du MBTI, qui, en outre, ne remplit pas les conditions de validité et de fiabilité requises pour être considéré comme un outil scientifique.
  3. Pour déjouer les neuromythes, il est important de prendre en compte trois ensembles de données : l’auteur du fait scientifique avancé, les sources mentionnées et utilisées, ainsi que les caractéristiques du fait ou de l’outil en tant que tel. De mon point de vue, il semble aussi nécessaire d’accepter les limites de la science, de développer notre esprit critique et de privilégier des regards multiples sur les problèmes auxquels nous faisons face.
  1. Gaussel, M. & Reverdy, C. (2013). Neurosciences et éducation : La bataille des cerveaux. Dossier d’actualité veille et analyses n°86, Institut Français de l’Éducation. []
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